Patrick Maisonneuve
Le Figaro
par Stéphane Durand-Souffland {extraits}
La vérité n’est pas l’affaire de l’avocat.
- tQuel rapport un avocat entretient-il avec la vérité?
Patrick Maisonneuve
« La vérité n’est pas sa préoccupation, d’autant qu’il y en a souvent plusieurs. La vérité judiciaire n’est pas forcément la vérité factuelle, historique. Le seul souci de l’avocat est que la vérité judiciaire jaillisse à l’issue d’un processus équitable, contradictoire, qui laisse une part au doute chez les juges. »
- tArrive-t-il qu’un client qui jure être innocent avoue sa culpabilité à son avocat ?
Patrick Maisonneuve
« Oui, mais c’est très rare: il craindrait, ce qui ne serait pas absurde, que son avocat soit moins combatif. Il m’est arrivé de plaider l’acquittement d’un homme que je savais coupable et de l’obtenir parce que le dossier laissait suffisamment de place au doute. Le plus souvent, on devine qu’un client n’est pas aussi immaculé qu’il le prétend. Je me souviens de l’un d’eux qui, à la fin d’un parloir, m’avait dit: «Maître, il faut que vous défendiez mon voisin de cellule. Moi je suis innocent, mais, lui, il l’est vraiment».
- tProche du Parti socialiste, vous étiez avocat dans le dossier Urba (financement occulte du PS), au début des années 1990 ; vous l’étiez aussi dans le dossier Bygmalion (financement illicite de la seconde campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy, en 2012, en attente d’un jugement en appel) : qu’est-ce qui a changé dans notre système judiciaire ?
Patrick Maisonneuve
« Il n’y a plus aujourd’hui de gestion politique des dossiers «sensibles» sous la forme d’instructions données par le garde des Sceaux aux procureurs, c’est fondamental. Quand nous préparions le dossier Urba, il y avait des réunions au siège du PS, rue de Solférino, en présence des conseillers «justice» du ministre de l’Intérieur et «action publique» du ministre de la Justice. On ne s’en cachait même pas ! Ce serait impensable à notre époque. Il faut aller plus loin et couper le cordon entre la Chancellerie et les procureurs, en créant un contre-pouvoir face au parquet. Ce contre-pouvoir ne peut être exercé que par des juges du siège. Il y a quelques années, j’étais optimiste sur la pacification des relations entre le monde politique et le monde judiciaire. Je me suis trompé. Du temps d’Urba, les militants socialistes conspuaient les juges, qui poursuivaient les dirigeants du PS, dont Henri Emmanuelli. En 2017, ce sont les militants LR qui conspuaient les juges aux meetings de François Fillon… »